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Les marchantiophytes : des mousses à la base de l’arbre de parenté des végétaux terrestres

Les marchantiophytes ou hépatiques sont des mousses de petite taille sans racines ni système vasculaire.
Elles se développent dans des milieux humides, sur le sol, des rochers ou des troncs d’arbres, sur des feuilles d’autres plantes également.

Cet article s’intéresse à quelques particularités de ces étranges mousses ainsi que l’apparition de ce groupe au cours de l’évolution des végétaux.

Découverte de quelques marchantiophytes en France métropolitaine :

Les marchiantophytes ont une répartition mondiale, on en connaît plus de 9000 espèces. elles sont plus communes sous les tropiques.
En France, celles ci sont assez communes au niveau des zones humides (sources, ruisseaux…)

Certaines espèces présentent l’apparence d’un thalle (voir photos 1 à 4) . Ce thalle peut présenter des lobes tout comme le foie. C’est cette ressemble qui est à l’origine de leur nom : hépatique = lié au foie.
D’autres hépatiques se présente sous forme d’une tige feuillée (voir photo 5) de quelques centimètres, on peut alors les confondre facilement avec d’autres types de mousses ou d’algues vertes.

Photo 1/8 : Marchantiophytes  probablement du genre Conocephalum observé près de la grotte de Choranche (Isère – Vercors) sur un tuf calcaire – roche formée par précipitation de calcaire au niveau d’une source ou d’un ruisseau.

Photo n°2/8  : Observation de marchantiophytes au bord d’un ruisseau sur roche calcaire sur la commune de Sceautres (Ardèche). Genre indéterminé.

Photo n°3/8  : Une des hépatique les plus commune de France : Marchantia polymorpha appelé aussi l’hépatique des fontaines.
Au printemps et en été cette plante produit des organes sexuels dont la forme évoque un minuscule palmier.
Photo tirée du cours de Rolland Douzet -UGA- L3 SVT : « Les bryophytes, les plantes terrestres et la recherche de l’ancêtre commun. »

Photo n°4/8  : Observations à différentes échelles de Pellia epiphylla, la Pellie bisexuée.
L’ensemble de ces photos ont été prise au niveau de la cascade des Molières (cascade artificielle de 4 mètres de haut) située à Saint-Dié-des-Vosges.
Ces plantes vivent à même la roche (grès rose des Vosges) dans un milieu très humide : à côté et sous la cascade. La Pellie bisexuée est ici dominante et à l’origine de ce paysage de « cascade verte ».
Merci à l’association vosgienne ETC..erra qui a fait découvrir ce bel « affleurement » de marchantiophytes

Photo n°5/8  : Observations d’une marchantiophyte arbusculaire (tige feuillé) du genre Bazzania.
Cette hépatique a été observé en sous bois de forêt d’épicéas à 500 mètres d’altitude sur sol siliceux dans les Vosges près du col du haut du bois.

Photo n°6/8  : Observations au microscope (X 600) de cette marchantiophyte du genre Bazzania. On observe les cellules de forme ronde (environ 30 micromètres) avec à l’intérieur les chloroplastes. 

Caractères des marchantiophytes :

Les marchiantophytes expriment de nombreux caractères originaux, certains étant des particularités de ce groupe, d’autres aux contraires sont des caractères ancestraux hérités de l’ancêtre commun aux embryophytes (ensemble des plantes terrestres).

 Caractères particuliers (Les synapomorphies) chez les marchantiophytes :

Photo n°7/8 :
Coupe transversale de Marchantia polymorpha observée au microscope (X 40).
Certains caractères propres aux marchantiophytes sont faciles d’observation : les rhizoïdes unicellulaires ou les cellules à oléocorps.

-Les cellules à oléocorps : inclusions protéo-lipidiques. Leurs caractéristiques (présence/absence, nombre, dimension, aspect…) constituent souvent un des critères de détermination des espèces.
-Les spores sont dispersées grâce à l’aide d’élatères : expansions de la paroi de la spore qui fonctionnent comme des ressorts.
-Les hépatiques s’ancrent au substrat par des rhizoïdes unicellulaires (chez les autres mousses, les rhizoïdes sont pluricellulaires).
-Présence de pores dans l’épiderme supérieur. Ces pores ressemblent à des stomates (voir article stomate) , mais leur structure est différente, de plus leur ouverture n’est pas contrôlée : elle ne dépend que du degrés de turgescence du thalle.
-Synthèse d’acide lunularique

Photo n°8/8 :
Observation des pores de Pellia epiphylla, la Pellié bisexuée.
Échelle, côté du carré blanc = 4 mm.

Caractères ancestraux hérités de l’ancêtre commun aux embryophytes :

-Epiderme des organes aériens protégé par une cuticule
-Lors de la reproduction, présence de deux types d’appareils reproducteurs : l’archégone, femelle et l’anthéridie, mâle.
-Cycle de développement présentant une forme sporophytique diploïde pluricellulaire, commençant par un embryon.  

La sortie des eaux des plantes, l’origine des Embryophytes :

Arbre phylogénétique des plantes terrestres (embryophytes) et proches cousines (algues vertes charophytes).

L’arbre de parenté des plantes nous apprend que :

Les algues vertes les plus proches des embryophytes sont les charophytes. Parmi les charophytes, on trouve les charophycées, les zygnématophycées (comme les algues filamenteuse du genre spirogyre) et les Coléochaetophycées. C’est parmi ces groupes d’algues vertes que se trouve l’origine de toutes nos plantes terrestres.
le groupe des mousses (ou bryophytes sens large) est un groupe dit paraphylétique : il regroupe un ancêtre commun avec seulement une partie de ses descendants : ici les marchantiophytes, les anthocérophytes et les bryophytes (sens strict).
Les premières plantes terrestres étaient des mousses dans des milieux humides, elles devaient probablement ressembler aux marchantiophytes.

Chez les mousses, diverses innovations sont des adaptations importantes pour la colonisation du milieu terrestre :

. La formation d’une tige dressée et de feuilles pour optimiser la photosynthèse (augmentation de la surface photosynthétique, meilleur
accès à la lumière).
. Développement de tissus de soutient (lutter contre la gravité)
. Développement de l’appareil vasculaire. (conduction de l’eau, des minéraux, des produits de la photosynthèse).

Plus anciens restes fossiles connus de plantes terrestres :

– Les plus anciennes empreintes fossiles de plantes vasculaires complètes datent de 425 millions d’années (Dévonien) avec Cooksonia découverte à Rhynie en Ecosse.

– On retrouve des traces fossiles de microspores, attribuées à Dyadospora (marchiantophyte classé dans l’ordre des sphaerocarpale) datant de 435 millions d’années, la sortie des eaux a donc eu lieu auparavant.

Aujourd’hui, on estime que la sortie des eaux a eu lieu vers 475 millions d’années lors de l’Ordovicien.

Ceci reste à prouver par de futures découvertes paléontologiques et une étude plus poussée, notamment génétique des groupes actuels.
Les groupes actuels les plus intéressants à étudier sont :
Les algues vertes les plus proches des embryophytes : les phragmoplastosphytes dont les Charophycées (voir article : Les Charophycées : des algues vertes « cousines » des plantes terrestres)
Les embryophytes basales de l’arbre : les « mousses » au sens général qui regroupe les hépatiques (marchantiophytes) ainsi que les anthocérophytes et les bryophytes.

Publication : Septembre 2020
Auteur(s) : Pierre-Jean Riou, professeur de SVT

Crédits photos et schémas : Pierre-Jean Riou et Mathilde Maillefaud

 

Bibliographie :

Atlas de phylogénie, D.Richard, Nattier, G. Richard, Soubaya – édition Dunod
– Classification phylogénétique du vivant, tome 1, édition 4  Lecointre et Le Guyader
Botanique, Biologie et physiologie végétales, Meyer, Reeb, Bosdeveix, Ed. Maloine
– Cours de Rolland Douzet -UGA- L3 SVT : « Les bryophytes, les plantes terrestres et la recherche de l’ancêtre commun. »
-Association ETC…terra – association naturaliste vosgienne
http://bryologia.gallica.free.fr/cle-identification-des-bryophytes.php?action=consultcle&cle=10&noeud=1&lettre=a