
Zooplancton d’eau douce :
Le zooplancton dont on parle souvent en lien avec les océans, existe également dans les plans d’eau douce stagnante : mare temporaire, étang, lac ou parfois simple flaque…
Rappelons que le mot plancton provient du grec planktós, « errant, instable » : il s’agit d’un ensemble d’êtres-vivants présent dans l’eau de manière passive : ils ne sont pas capable de lutter contre le courant. Les organismes planctoniques sont donc définis à partir de leur niche écologique.
Cet article s’intéresse plus particulièrement au plancton animal ou zooplancton que l’on retrouve en eau douce et seulement celui visible à l’œil nu.
L’observation du zooplancton nécessite une observation minutieuse : il faut s’approcher de la surface de l’eau pour voir ces animaux millimétriques.
Pour profiter des détails de ces petits animaux, une loupe est indispensable, voir un microscope.
Il existe 3 grands groupes présents dans le zooplancton d’eau douce :
-les rotifères (non détaillé ici car invisible à l’œil nu).
– les insectes, avec des larves de diptères.
– les crustacés, avec les ostracodes, copépodes et cladocères.
Cet article présente quelques observations (photos et vidéos) que j’ai pu faire sur des mares ou petit plan d’eau.
Cet article se divise en trois parties :
– I/ La diversité du zooplancton d’eau douce.
– II/ La reproduction du zooplancton d’eau douce
– III/ L’alimentation du zooplancton d’eau douce
En espérant que cet article vous encouragera à regarder de plus près les eaux stagnantes et découvrir les petits animaux intriguant y vivant.
Figure 1 : Vidéo d’observation de zooplancton à la surface d’une mare à l’œil nu, observé fin mai.
Les insectes visibles en début de vidéos sont des notonectes mesurant environ 2 à 3 cm de long.
– Les gros points sombres : ce sont des ostracodes
– Les petits points gris : ce sont des copépodes
I-La diversité du zooplancton d’eau douce :
Petits crustacés d’eau douce :
Figure 2 : 3 petits crustacés différents côte à côte, en haut : un copépode, en bas à gauche : un ostracode, en bas à droite : une daphnie.
Daphnie et ostracode sont de jeunes individus, c’est pour cela qu’ils ont la même taille que le copépode.
Ostracodes :
Les ostracodes sont de petits crustacés millimétriques, avec un corps comprimé latéralement et enclos entre deux valves articulées dorsalement.
Ils possèdent de grandes antennes natatoires. Les ostracodes vivent en milieu aquatique : eau salée, saumâtre ou eau douce
Figure 3 : Vidéo, centaines d’ostracodes nageant sur la bâche noire plastique d’une mare.
Figure 4 : Vidéo d’ostracodes observés au microscope (X 40). On observe l’œil : point noir ainsi que les antennes qui permettent le déplacement.
Cladocères (daphnies) :
Les cladocères (Cladocera) ou puces d’eau, dont le genre le plus commun est celui des daphnies sont de petits crustacés aquatiques, dont le nombre de segments est très réduit, avec un thorax et abdomen fusionnés. Une carapace simple repliée de part et d’autre de la ligne dorsale les recouvre. Leurs déplacements natatoires, saccadés, sont permis par les mouvements des antennes très développées.
Figure 5 : Vidéo, dizaines de daphnies nageant dans un aquarium.
En aquariophilie, les daphnies peuvent être élevés notamment pour le nourrissage des poissons.
Copépodes :
Les copépodes sont de petit crustacé (de 0,3 à 8 mm de long), présent en grand nombre dans le plancton, les algues, les sédiments, …
Leur corps est fusiforme et possède 3 parties.
Ils ont de grandes antennules (souvent perpendiculaires au corps) et un seul œil central, à l’origine d’un nom de genre de copépode : cyclops.
Figure 6 : Photos d’un copépode observé à la loupe binoculaire (X 20) A gauche : vue ventrale et à droite : vue de profil.
Larves de diptères :
Larve de moustique :
Figure 7 : Larve de moustique à la surface de l’eau du genre culex.
On voit l’arrière du corps de la larve en contact avec la surface : il s’agit de son tube respiratoire qui fonctionne de la même manière qu’un tuba pour respirer.
Larve de chaoborus :
Figure 8 : Larve de chaoborus et son aspect fantomatique dans un herbier de charas (algues vertes)
Le stade larvaire représente la majeure partie du cycle de vie. Ce stade dure de sept jours à plusieurs mois.
Figure 9 : Vue de près de la larve de chaoborus. Cette photo montre l’aspect fantomatique de cet animal : les contour de son corps sont plus facile d’observation au niveau de son ombre….
II-reproduction du zooplancton d’eau douce :
La reproduction du zooplancton est généralement rapide et nombreuse.
Cette reproduction que l’on peut qualifié de stratégie r ou reproductive s’explique par le milieu de vie en eaux douces qui présente de fortes variabilités :
C’est un milieu qui peut s’assécher et qui est donc temporaire, il y a une forte variation de température, de la quantité d’eau, richesse en nourriture : quand les conditions sont favorables, il peut y a voir une augmentation rapide de la quantité de phytoplancton ou bloom planctonique : l’eau devient alors verte.
Ainsi, dans un habitat variable, l’approvisionnement en ressources vitales imprévisible et les risques élevés : les espèces misent alors sur la reproduction avec un fort taux de croissance, pour compenser par le nombre, ce qui se traduit par une forte fécondité et de faibles chances de survie jusqu’à la maturité sexuelle.
Cette reproduction nombreuse et rapide est faite par le zooplancton soit par une reproduction sexuée avec des centaines d’œufs pondus soit par parthénogenèse.
Reproduction par parthénogenèse :
La parthénogenèse est une reproduction uni-parentale avec développement d’un embryon à partir d’un ovule non fécondé. Cette reproduction est possible seulement chez les individus de sexe femelle.
On retrouve ce type de reproduction chez les cladocères ainsi que la majorité des ostracodes.
Figure 10 : A gauche, daphnie observée au microscope (x 40) avec de nombreux petits œufs formés par parthénogenèse.
A droite, daphnie observée au microscope (x 40) avec deux « grands » œufs formés par reproduction sexuée
Dans des conditions de développement favorables, les daphnies se reproduisent par parthénogenèse et produise de nombreux œufs (voir photo de gauche).
Lorsque les conditions du milieux deviennent moins favorables, comme par exemple avec le passage de l’automne à l’hiver, les daphnies font alors une parthogénèses deutérotoques, c’est à dire produisant moitié de mâles et moitié femelles.
Ces mâles et femelles vont alors se reproduire de manière sexuée. Après cette reproduction, la femelle va porter des œufs de durées aussi appelées œufs d’hiver. La femelle daphnie ne survie pas à la mauvaise saison, au contraire de ses œufs qui sont enkystés.
Ainsi la parthénogenèse permet une reproduction très rapide lorsque les conditions du milieu sont favorables. La parthénogenèse aboutit ici aux mêmes avantages qu’une reproduction asexuée.
Lorsque les conditions du milieux deviennent défavorables elle passe à une reproduction sexuée, permettant de fabriquer une diversité génétique d’individus. Cette diversité est un des avantages de la reproduction sexuée.
Reproduction sexuée avec nombreux œufs :
On trouve ce type de reproduction chez les diptères : chaoborus et moustiques ainsi que chez les copépodes. (voir photo ci dessous).
Figure 11 : Vue ventrale d’un copépode femelle portant deux sacs d’œufs. Plus d’une cinquantaine d’œufs sont visibles.
Figure 12 : Ponte de moustique photographié dans un pot de fleur abandonné.
Le cycle de développement prend deux semaines. Les œufs sont pondus en groupe, dans tous les types d’eaux, souvent riches en matière organique.
III-Alimentation du zooplancton d’eau douce :
Filtration de l’eau pour se nourrir du phytoplancton :
La majorité des espèces appartenant au zooplancton ont un régime de filtration ou microphagie suspensivore : ce mode d’alimentation consiste à se nourrir d’organismes de très petite taille ou de particules organiques alimentaires en les filtrant du milieu aquatique dans lesquelles ils sont en suspension.
Ils filtrent l’eau et se nourrissent du phytoplancton (algues, bactéries photosynthétiques…).
Figure 13 : Vidéo d’une larve de moustique du genre culex entrain de filtrer l’eau au niveau de sa bouche à l’aide de soies.
Figure 14 : Vidéo d’une daphnie au microscope en train de filtrer l’eau par mouvements rapides de ses pattes se terminant par des soies.
Prédation – dépositivorie :
Il existe d’autres régimes alimentaire pour le zooplancton, moins commun :
– La dépositivorie : certains éléments du zooplancton se nourrissent de matière organique particulaire déposée sur le fond contenant divers déchets minéraux ou organiques ainsi qu’un tapis algal ou bactérien plus ou moins abondant.
– La prédation : seulement observé chez la larve de chaoborus, il est le prédateur des autres éléments du zooplancton tous plus petit que lui qui mesure 2-3 cm de long.
Figure 15 : Observation sur le fond vaseux d’une mare de 6 ostracodes dépositivore (couleur orangée). Ce type d’observation est assez difficile : on a l’impression de voir de petits grains qui se déplacent tous seul sur le fond.
Figure 16 : Vue microscopique de la tête d’une larve de chaoborus, avec ses antennes recourbées qui sont déployées lors de la capture d’une proie.
Les larves de Chaoborus sont prédatrices et se nourrissent de copépodes, de cladocères, de rotifères et de protozoaires unicellulaires comme les ciliés.
Elles se suspendent immobiles dans la colonne d’eau. En position de repos, les antennes pointent ventralement, les mandibules sont fermées et les éventails de soies sont repliés contre les mandibules.
La capture d’une proie par la larve est très rapide : 0,3 seconde, les larves de Chaoborus intègrent le club des prédateurs les plus rapides du règne animal.
Conclusion :
Tous comme le zooplancton marin, le zooplancton d’eau douce est d’une importance capitale dans la chaîne alimentaire puisqu’il fait le lien entre le phytoplancton et les petits prédateurs ou consommateurs secondaires que sont les hydres, de nombreuses larves d’insectes…
Leur étude permet de découvrir des groupes plutôt peu connu en domaine continental comme l’ensemble des petits crustacés de la mare : copépodes, cladocères et ostracodes.
De plus les éléments adultes des larves de diptères sont également important pour deux faits : les adultes peuvent être vecteur de maladies par leurs piqures chez les moustiques et ils sont une ressource de nourriture importante pour certains prédateurs comme des oiseaux ou chauves-souris.
Publication : Octobre 2024
Auteur(s) : Pierre-Jean Riou, professeur de SVT
Crédits photos : Pierre-Jean Riou (sauf si indication contraire)
Contact : sciencesnature.fr@gmail.com
Bibliographie :
– cladocères sur le site Doris
– COROLLA Jean-Pierre, SOHIER Sandra in : DORIS, 21/08/2022 : Chaoborus sp. Lichtenstein, 1800, https://doris.ffessm.fr/ref/specie/3104
-Guide de la vie des eaux douces les plantes, les animaux et les empreintes – GREENHALGH et OVENDEN
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