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La marmotte alpine, un mammifère emblématique de la vie en altitude

Caractéristiques et répartition de la marmotte :

Animal emblématique de la haute montagne, la marmotte alpine (Marmota marmota) est un mammifère appartenant à l’ordre des rongeurs (rodentia) et plus précisément à la famille des sciuridés (sciuridae) comme par exemple les écureuils. Bien plus gros que ces derniers, les adultes pèsent en moyenne 4kg et mesurent 50cm ( jusqu’à 6.5 kg et 70 cm).

La marmotte alpine est typique des Alpes mais certaines populations ont également été (ré)introduites dans les Pyrénées, le Vercors et dans le Massif Central. Ces animaux vivent majoritairement dans les prairies et les pâtures situées entre 1200 et 3000m d’altitude. La marmotte alpine est donc inféodée à un habitat bien particulier : l’étage alpin, aux conditions de vie exigeantes.

Photo n°1 : Marmotte alpine s’étant aventurée sur un sentier de randonnée du Parc Naturel de la Vanoise en 2017.
On remarque plusieurs caractéristiques des marmottes : une épaisse fourrure isolant du froid et des pattes griffues permettant de creuser le sol et d’aménager des terriers.
On devine également les grosses incisives typiques des Rongeurs.

 

 

Carte de répartition de la marmotte alpine.  IUCN (International Union for Conservation of Nature) 2008. Marmota marmota. The IUCN Red List of Threatened Species. Version 2020-2

L’étage alpin, un environnement extrême :

L’étage alpin où subsiste une végétation rase est caractérisé par l’absence d’arbres. Les températures sont froides (moyenne < 4°C sur l’année), avec une importante couverture de neige (> 1 m en hiver) durant 5-6 mois par an. De plus, le relief et la raideur des pentes posent des contraintes physiques à l’implantation et aux déplacements, favorisent les avalanches en hiver et les éboulis en été, mais aussi l’érosion du sol par le ruissellement d’eau. Enfin, le milieu est ouvert et donc potentiellement soumis à des vents forts. Seules poussent les plantes tolérant ces conditions abiotiques : lichens, Tabouret des Alpes (Noccaea rotundifolia), Primevère farineuse (Primula farinosa) ou encore Saxifrage à feuilles opposées (Saxifraga oppositifolia)… Les marmottes, comme les autres animaux vivants dans ce milieu, font également face à ces contraintes.

Photo n°2 : Marmotte alpine dans son environnement.
On identifie bien les caractéristiques de l’étage alpin : végétation rase de prairie, plaques de neige même en été (la photo a été prise en juillet 2017 dans le Parc Naturel de la Vanoise), fortes pentes rocailleuses en arrière-plan.

 

Évolution du milieu et du mode de vie de la marmotte au cours de l’année :

Les conditions environnementales sont très différentes entre l’été et l’hiver et le mode de vie de la marmotte est synchronisé avec cette dynamique bisannuelle.

En été, les températures sont clémentes, la végétation est accessible, mais les autres animaux et notamment les prédateurs sont eux-aussi actifs. La reproduction a lieu dès la sortie de l’hibernation (en Avril-Mai) et les petits naissent 40 jours plus tard au moment où la neige fond. Les marmottes qui se nourrissent principalement de végétaux (parties aériennes, graines, bulbes et racines) mais aussi de petits animaux (insectes, araignées, vers) ont donc accès à de la nourriture. En étage alpin, la marmotte est en concurrence avec relativement peu d’animaux mis à part les troupeaux de vaches et de moutons. En revanche, le renard et l’aigle royal sont les principaux prédateurs des marmottes. Lorsqu’un de ces prédateurs est repéré par une marmotte, celle-ci émet un sifflement avertissant ses congénères qui se réfugient alors dans leur terrier.

Exemple d’un cri d’alarme : https://sonotheque.mnhn.fr/sounds/mnhn/so/2020-1059

Le regroupement social des marmottes en groupes familiaux, et la proximité de plusieurs familles aux territoires juxtaposés augmente en théorie l’efficacité de ces alertes, un individu pouvant alerter plusieurs familles. Une famille typique comporte un couple dominant (les seuls ayant accès à la reproduction), leurs petits, et des jeunes individus subordonnés. Cette organisation sociale, et notamment l’élevage coopératif par les individus est assez rare dans le monde animal.

A la fin de l’été, les marmottes constituent des réserves de graisse pour l’hibernation.

En hiver les températures sont très basses (-10 à -15 °C en moyenne) et la neige recouvre le sol. Maintenir un métabolisme constant et une température corporelle de plus de 35°C dans un environnement dont la température est négative est très couteux en énergie et nécessite donc un apport de nourriture important. Or, la nourriture n’est plus accessible en hiver. L’hibernation qui débute en septembre- octobre se caractérise par un ralentissement drastique du métabolisme (1 à 2 battements cardiaques par minute) résultant en une chute de la température corporelle (jusqu’à 4-5°C) et des dépenses énergétiques (jusqu’à 50 fois moins élevées que durant l’été). Pendant l’hibernation, les marmottes se regroupent dans des terriers isolés de l’extérieur par de la terre, des cailloux et la couverture neigeuse. La température à l’intérieur des terriers reste ainsi légèrement au-dessus de 0°C. Enfin, l’hibernation collective (jusqu’à une dizaine d’individus) réduit encore les dépenses énergétiques, les individus se blottissant les uns contre les autres. Cette stratégie de survie hivernale nécessite tout de même de l’énergie pour rester en vie. De plus, plusieurs fois au cours de l’hibernation (jusqu’à une vingtaine de fois), les marmottes se « réveillent » pour une durée de quelques heures durant laquelle leur métabolisme et leur température corporelle ré-augmentent, ce qui génère des dépenses énergétiques importantes. Ne stockant pas de nourriture dans le terrier, les marmottes utilisent donc les réserves de graisse constituées durant l’été. Elles perdent ainsi environ un tiers de leur poids pendant l’hibernation. Les individus n’ayant pas assez de réserves de graisse, ou s’étant établi sur un territoire trop froid (car orienté au nord, ou à l’ombre d’un relief), ou dans un terrier mal isolé risquent de ne pas survivre.

Bien que soumises aux conditions rudes de l’étage alpin, les populations de marmotte alpine semblent dans l’ensemble stables, voire abondantes, à l’exception de certaines sous-populations. L’espèce est ainsi classée en « préoccupation mineure » sur la liste rouge de l’IUCN.

Bilan des caractéristiques de vie de la marmotte alpine dans son milieu

 

Eté

Prairie alpine

Hiver

Terrier

Conditions favorables :  

Nourriture accessible.

Peu de compétition avec les autres espèces.

Températures clémentes.

 

Contraintes :
Prédateurs.

Compétition entre familles pour le contrôle des territoires.

 

Adaptations au milieu :
Vie en groupe : Cris d’alarme, élevage coopératif.

Constitution de réserves de graisses pour l’hiver.

Animal fouisseur : aménagement des terriers.

Conditions favorables :  

Terrier isolé du grand froid par la neige et le sol : T° = 0°C.
Pas de risque de prédation.

 

Contraintes :
Pas de nourriture.

0°C reste une température froide.

 

 

Adaptations liées à l’hibernation :
Economie d’énergie et chute de la température corporelle.

Vie en groupe : économie d’énergie par conservation de la chaleur.

Epaisse fourrure.

 

Publication : Septembre 2020
Auteur(s) :
Théo Marchand, professeur de SVT

Crédits photos : Pierre Marchand
Merci à Benjamin Rey, ingénieur de recherche au CNRS (Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive de Lyon) pour sa relecture et ses suggestions.

 

Bibliographie :

Sonothèque du MNHN : https://sonotheque.mnhn.fr/;jsessionid=EF586F22DCA848A8238688F9C4C9803F?q=marmotte

IUCN Redlist : https://www.iucnredlist.org/species/12835/510082

Mechanisms of Social Thermoregulation in Hibernating Alpine Marmots (Marmota marmota), par Thomas Ruf et Walter Arnold (2000)  https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-662-04162-8_9

Monographie de Marmota marmota, par Mann, Macchi et Janeau (1993) : file:///C:/Users/theom/Downloads/39-136-1-PB.pdf

Article Wikipedia pour l’étage alpin
https://projetmarmottealpine.org/

 

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-Fleurs de montagnes