La tour de Crest est aujourd’hui un haut lieu touristique de la vallée de la Drôme.
Ce donjon de 55 mètres de haut est une ancienne forteresse puis prison d’État, elle est un témoin unique de l’histoire de l’époque médiévale et de la vie carcérale dans la région.
De plus, aller en haut de la tour permet d’observer un magnifique panorama sur le pli de la forêt de Saoû.
Les roches à la base de la tour de Crest racontent une histoire géologique bien plus ancienne. C’est cette histoire naturelle à laquelle s’intéresse cet article.
Présentation de la tour de Crest et du panorama depuis son sommet :
Figure 1 : Vue de la tour de Crest depuis le lit de la Drôme à l’ouest de Crest, au niveau du pont en bois, bien visible ici.
Ce pont en bois est notable puisqu’il s’agit du plus grand pont en bois de France.
La tour de Crest domine la plaine alluviale de la Drôme.
Figure 2 : Vue de la tour de Crest depuis le sud de la ville – route D538. La tour surplombe la ville de Crest.
Figure 3 : Le panorama visible depuis le haut de la tour permet d’observer un magnifique pli synclinal perché (en forme de U) : le pli de Saoû. Au centre de ce pli se trouve la forêt de Saoû.
Propriété du Département de la Drôme depuis 2003, le site classé en ENS = Espace Naturel Sensible de la Forêt de Saoû forme une cuvette de 12 km de long, protégée par des montagnes, remparts naturels.
C’est le plus beau synclinal perché d’Europe. Les roches calcaires formant ce pli datent du crétacé (De – 66 à – 145 millions d’années).
Ce site exceptionnel par sa biodiversité accueille des centaines d’espèces avec une diversité végétale d’influence montagnarde et méditerranéenne et une faune sauvage très diversifiée (chamois, chevreuil, marmotte, aigle royal…).
La tour de Crest sur la carte géologique au 50 000ème :
Figure 4 : Extrait de la carte géologique au 50 000ème de Crest (1977) à l’aide de geoportail.
La tour de Crest, située au niveau du rond noir, se situe sur un terrain sédimentaire de couleur orange légendé m1b qui correspond d’après la notice au Burdigalien.
Figure 5 : Le Burdigalien est un étage du miocène compris entre 20,5 et 16 millions d’années, voir extrait de la charte chronostratigraphique internationale ci contre.
D’après la notice de la carte géologique :
« L’épaisseur du Burdigalien est d’environ 100 m à Crest.
Les faciès molassiques contiennent des Pectinidés très nombreux comme à Crest mais le plus souvent fragmentés et écrasés avec des huîtres, des Anomies (autre bivalve), quelques gastéropodes ainsi que des oursins et balanes. »
Le genre Pecten est un genre de coquillage bivalve présentant deux valves asymétriques dont une convexe et l’autre plate. Ces coquillages nagent en refermant brusquement les valves de leur coquille. Le représentant le plus connu de ce genre est la coquille Saint-Jacques : Pecten maximus.
Vue de l’affleurement à la base de la tour de Crest :
Figure 6 : Devant l’entrée de la tour, on peut observer un affleurement d’environ 3 mètres de haut d’une roche claire.
Figure 7 : En regardant de près cet affleurement, on distingue de nombreux morceaux de coquilles. Comme l’indique la notice de la carte géologique de Crest, les coquilles sont « le plus souvent fragmentées et écrasées ».
Figure 8 : Zoom sur un fossile de coquillage du genre Pecten. Il s’agit ici probablement de l’espèce Pecten subbenedictus.
Reconstitution paléoenvironnementales :
Figure 9 : Reconstitution paléogéographique de la mer miocène en Provence et dans la valée du Rhône il y a 20 millions d’années.
Il y a 20 millions d’années, après une très longue période continentale, la mer revient au Miocène sur la région Provence et bas Languedoc. En même temps que les Alpes se soulèvent, la masse continentale corso-sarde qui s’est détaché du sud de la France achève sa rotation vers l’est.
Ces mouvements s’effectuent sous l’effet de la poussée que l’Afrique exerce sur le nord.
Le golfe du lion s’effondre face à l’ouverture de la Méditerranée occidentale.
La mer va alors progressivement envahir un golfe qui se dessine vers le nord et occupe le bas Languedoc, le bassin du Rhône, le Luberon et la région de Valensole jusqu’à Digne. Ce bras de mer finit par gagner le bas Dauphiné (dont Crest fait partie), la Bresse, la Suisse et par entourer les alpes alors en pleine surrection.
C’est dans ce golfe marin rhodano-provençal, parsemé d’îles et de hauts fonds que vont se déposer une variété de roches connu sous le terme de molasse.
Ces molasses sont composées de différents sédiments plus ou moins calcaires ou gréseux.
Dans les eaux marines de cette période vivent des requins, des siréniens (dudongs et lamantins) ainsi que des coquilles Saint-Jacques et autres mollusques comme les huitres. C’est cette dernière partie de la biodiversité marine qui est visible à Crest.
Figure 10 : Observation de deux spécimens de Pecten maximus, la coquille Saint-Jacques comestible pêchée au large d’une plage sableuse de Bretagne.
Aujourd’hui, la coquille Saint-Jacques, Pecten maximus, se trouve sur les fonds sablonneux meubles, depuis le niveau des basses mers jusqu’à la profondeur de 150 m à 200 m environ. Les gisements se tiennent généralement entre 20 et 50 mètres. L’animal repose sur sa valve droite très convexe. Il s’enfouit dans le sable entre 5 et 40 cm. Il supporte mal les dessalures et l’émersion.
Par principe d’actualisme, on peut donc imaginer que Crest au burdigalien se trouvait dans une mer peu profonde à fonds sableux où vivaient de nombreux coquillages de la famille des pectinidés.
Figure 11 : Parmi les plus célèbres fossiles de la famille des pectinidés du burdigalien, il y a ceux appartenant à l’espèce Gigantopecten restitutensis, découvert dans les carrières de Ménerbes et de Lacoste (Vaucluse, bassin d’Apt). Quelques spécimens sont visibles au Muséum de l’Ardèche à Balazuc.
Publication : Avril 2021
Auteur(s) : Pierre-jean Riou, professeur de SVT
Crédits photos : Pierre-jean Riou
Crédits reconstitution paléogéographique : livre Tour de France d’un géologue, François Michel
Bibliographie :
François Michel, Le tour de France d’un géologue.
Carte géologique de la France à 1/50 000 Crest, BRGM – dépôt légal : 1977.
-Coquille Saint-Jacques – DORIS
-« Foret de Saou » Site du conseil général de la drôme
– Le site internet : crioceratites – fossiles du Burdigalien dans la drôme.
-Le genre Pecten -wikipedia