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Les pulmonés, le seul groupe de mollusques sorti des eaux

Le groupe des pulmonés est le seul groupe de mollusques à avoir conquis le milieu terrestre.
Leur appellation vient du fait qu’ils ne possèdent pas de branchie au contraire des gastéropodes marins mais un organe permettant la respiration aérienne ou poumon.
Ce poumon correspond à la cavité palléale abondamment vascularisée et n’est donc en rien homologue aux poumons des Vertébrés. Ce poumon communique avec l’air extérieur par un orifice appelé pneumostome. 

Cet article s’intéresse à :
– La diversité des pulmonés
– L’anatomie du poumon
– Le fonctionnement du poumon
– Les autres adaptations permettant la vie en milieu aérien
– Quelques pulmonés fossiles et leur sortie des eaux

La diversité des pulmonés :

Au sein des mollusques, les pulmonés appartiennent à la classe des gastéropodes.
Les gastéropodes sont des mollusques se caractérisant par une tête distincte avec généralement une coquille torsadée appelée communément « coquille d’escargot ».
La classification précise des gastéropodes est encore aujourd’hui non résolue, de récentes découvertes génétiques révèleraient que le groupe des pulmonés serait peut être polyphylétique et donc ce groupe deviendrait désuet au profit des hétérobranches qui regroupe les anciens pulmonés ainsi que les opisthobranches (« limaces de mer »).
Dans cet article nous utilisons l’ancienne dénomination de pulmonés = ensemble des gastéropodes ayant un poumon. En sachant que le caractère « poumon » est apparu peut-être plusieurs fois au cours de l’évolution chez les gastéropodes.

On peut diviser les pulmonés en deux groupes, selon leur milieu de vie :
– Les pulmonés quasi-exclusivement terrestres : ce sont les escargots et limaces.
– Les pulmonés d’eau douce : ils ont un poumon, organe de la respiration aérienne, mais sont revenus à un mode de vie aquatique en eau douce. Ex : planorbes, limnées.

Photo 1/7 : Quatre espèces de pulmonés :
Pour les pulmonés terrestres :
– en haut : escargot de Bourgogne Helix Pomatia.
– en bas : la limace léopard, Limax maximus.
Pour les pulmonés d’eau douce :
– en haut individu de la famille des planorbidés,
– en bas individu de la famille des limnées.

Anatomie du poumon :

La présence d’un poumon pour la respiration est une des adaptations au mode de vie terrestre : il s’agit d’une internalisation des surfaces respiratoires afin de limiter les pertes d’eau par évaporation.
Les espèces terrestres ont des surfaces respiratoires internes où l’air peut être humidifié pour rendre possible les échanges gazeux  tout en limitant l’évaporation par absence de contact avec l’air « brut » extérieur. On retrouve des structures pulmonaires également chez les vertébrés, et certains chélicérates.

Dessins d’observations d’une dissection d’un escargot petit gris : Helix Aspersa
Dessin de gauche : escargot une fois sa coquille retirée.
Dessin de droite : ouverture de la cavité palléale montrant le poumon et les nombreux vaisseaux sanguins.
Figures tirées du livre : « Travaux pratiques de biologie animale. Tome I, Les Invertébrés », René Louvier

Photo 2/7 : Dissection d’un petit gris, Helix aspersa, le poumon déplié se trouve en bas de l’image.

Dessin d’observation détaillé du poumon d’Helix aspersa.
Le poumon est constitué par la surface interne du manteau. Il est recouvert d’arborisations vasculaires sous un tégument mince et perméable aux échanges des gaz et du sang.
L’air extérieur pénètre dans la chambre pulmonaire par le pneumostome, large ouverture fendue lors de la dissection de la cavité palléale.
Les arborisations veineuses afférentes apportent le sang du corps pauvre en oxygène.
Les arborisations veineuses efférentes apportent le sang oxygéné depuis le poumon jusqu’au reste du corps.
Le cœur est formé d’une oreillette mince et transparente et d’un ventricule à paroi musculaire épaisse.

Fonctionnement du poumon :

Photo 3/7 : La loche noire, Arion ater et son imposant pneumostome bien visible.

Chez les pulmonés terrestres, on observe un mouvement ventilatoire, chaque cycle comporte 4 étapes :
1 – Pneumostome ouvert et abaissement du plancher de la cavité pulmonaire par contraction musculaire : l’air est aspiré dans le poumon.
2 – Le pneumostome se ferme.
3 – Les muscles se relâchent : le plancher de la cavité pulmonaire revient à sa position initiale, la cavité est alors sous pression.
4 – Le pneumostome s’ouvre et le poumon est vidangé.

Photo 4/7 : deux planorbes qui renouvèlent le contenu de leurs poumons à la surface de l’eau

Les pulmonés d’eau douce conservent une respiration pulmonaire et viennent régulièrement en surface pour remplir leurs poumons.
Chez ces animaux, il n’existe pas de mouvement ventilatoire, de telle sorte que la pression partielle en oxygène est toujours plus faible dans la cavité pulmonaire que dans le milieu extérieur : 15 à 19 % maximum lorsque l’animal a reconstitué ses réserves ; mais elle peut tomber entre 4 et 10 % après une plongée.
Les limnées ont des capacités longues d’apnée : 2 à 3 jours sous l’eau grâce à la diffusion de l’oxygène par la peau : c’est la respiration tégumentaire. Ce type de respiration est seulement possible dans des eaux suffisamment oxygénées.


Autres adaptations permettant la vie en milieu aérien (terrestre)

La principale difficulté pour les gastéropodes terrestres est de limiter la perte d’eau car le milieu aérien est desséchant. Ceux qui habitent les milieux tempérés passent l’hiver en hibernation dans le sol et les étés secs en estivation, c’est-à-dire en léthargie, enfouis dans le sol, la vase ou dans les anfractuosités non exposées au soleil.
Certaines espèces (voir photo ci-dessous un exemple) se rassemblent aux premières heures du jour au sommet des tiges et des plantes. Elles échappent ainsi, aux heures chaudes de la journée aux températures élevées qui règnent au niveau du sol et donc au dessèchement. Elles ne redescendront qu’au soir lorsque les températures diminuent.
C’est donc principalement par leur comportement que les gastéropodes terrestres régulent leur bilan hydrique, ce qui leur permet d’être présent absolument partout à la surface des terres.

 

Photo 5/7 :  Petits escargots vivants en milieu sec : plages et garrigues, c’est la caragouille rosée ou petit escargot blanc Theba pisana.
Cette espèce se remarque facilement par les groupements d’individus qu’elle forme en haut des herbes, des grillages…
Ce comportement permet à cet escargot de s’éloigner du sol brûlant. Il sort de sa coquille seulement la nuit quand le sol est frais ou lors d’une pluie.
Sa couleur blanche reflète la majorité du rayonnement solaire reçu, évitant ainsi sa surchauffe.

 

Quelques pulmonés fossiles et leur sortie des eaux

Photo 6/7 : Escargot de 4 mm de long découvert dans l’ambre. Il s’agit du plus anciens fossile connu d’escargot avec les parties molles préservées. Il a été découvert au Myanmar (ex-Birmanie), il est daté du crétacé : 99 millions d’années.

Photo 7/7 : Deux planorbes fossilisés dans un calcaire lacustre au pied du pic saint Loup (Hérault).
Ces fossiles datent du Lutécien (paléocène entre 47 et 41 millions d’années).

L’histoire des pulmonés retracé grâce aux fossiles est fragmentaire à cause de plusieurs faits :
– La coquille des pulmonés est formée d’aragonite qui ne se préserve pas très bien.
– De nombreux pulmonés n’ont pas de coquilles comme les limaces.
– L’interprétation de fossiles connu est souvent très difficile parce qu’il ressemble beaucoup à d’autres groupes fossiles dont notamment des gastéropodes marins.

Il faut donc interpréter avec prudence les données fossiles.
Sur le sujet de l’histoire évolutive des pulmonés, les idées scientifiques peuvent évoluer rapidement.

Selon le scientifique Bandel (1997), les premiers pulmonés étaient présents durant la fin du Carbonifère.

Secondairement, certains pulmonés ont colonisé les eaux douces et sont donc (re)devenus aquatiques : c’est le cas de la planorbe ou de la limnée. Ces pulmonés aquatiques ne seraient pas apparu avant le milieu ou la fin du Jurassique (170 à 140 millions d’années).

Une diversification majeure des pulmonés aurait eu lieu vers 60 millions d’années au début du Cénozoïque.
Ce n’est qu’au Cénozoïque que l’on trouve de nombreux et divers fossiles de pulmonés. Un exemple de fossile de pulmonés au Cénozoïque sur le site Planet Terre de l’ENS de Lyon : pépérites de Limagne à escargots, limnées et planorbes remplis de lussatites.

 

 

Publication : Janvier 2021
Auteur(s) : Pierre-jean Riou, professeur de SVT

Crédits photos : Pierre-jean Riou

 

Bibliographie :

– Futura sciences : un escargot conservé dans l’ambre depuis 99 millions d’années
Diversité animale Histoire, évolution et biologie des Métazoaires,
D.Poinsot, M. Hervé, B. le Garrf, M. Ceillier
–Classification phylogénétique du vivant, tome 2, édition 4  Lecointre et Le Guyader
– Travaux pratique de biologie animale, Tome I : Les invertébrés,
René Louvier (années 50).
–L’organisme dans son milieu, tome 2 : l’organisme en équilibre avec son milieu, Y. Turquier avec la participation de A. Toulmond
– Phylogeny and Evolution of the Mollusca edited by Wintson F. Ponder and David R. Linberg