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La larve du moucheron fantôme

La larve de Chaoborus également appelé ver fantôme ou ver de cristal est une des larves d’insectes les plus impressionnantes à découvrir en eau douce du fait de sa principale particularité : elle est entièrement transparente.

Cette transparence est un atout pour l’observer à la loupe binoculaire ou au microscope.
Une de ces particularités est également de posséder 4 organes de flottaison facile à identifier comme des petits grains gris : une paire à l’avant et l’autre paire à l’arrière du corps.

Figure 1 : Vue à l’œil nu d’une larve de chaoborus. Cette photo montre l’aspect fantomatique de cet animal : les contour de son corps sont plus facile d’observation au niveau de son ombre….

Cet article se divise en trois parties :
– Cycle de vie du Chaoborus
– La larve de chaoborus : un prédateur
– Les impressionnants organes de flottaisons de la larve de chaoborus : les vésicules hydrostatiques

Cycle de vie du chaoborus illustré :

Chaoborus est un genre d’insecte de l’ordre des diptères (mouches et moustiques). De nombreuses espèces constituent ce genre.
La majorité de ces espèces ont une seule génération par an. Certaines en ont deux (une génération hiver-printemps et une génération été-automne) et d’autres ont un cycle de deux ans.

Figure 2 : Ponte d’un chaoborus à la surface de l’eau d’une mare

C’est la femelle qui, posée sur l’eau, pond quelques centaines d’œufs en une masse gélatineuse de forme circulaire.

Figure 3 : Larve de chaoborus et son aspect fantomatique dans un herbier de charas (algues vertes)

Le stade larvaire représente la majeure partie du cycle de vie. Ce stade dure de sept jours à plusieurs mois.

Figure 4 : Nymphe de chaoborus

Le stade de nymphe (ou pupe) dure de 2 à 4 jours pendant que les individus se métamorphosent pour émerger.
Ce stade se reconnait par les deux trompes respiratoires à leur sommet ressemblant à des oreilles.
La nymphe ne se nourrit pas, elle puisse dans les réserves stockées au stade larvaire. Ce stade permet une réorganisation des organes de la larve en organes de l’adulte ex : formation des ailes

Après la nymphe, il va y avoir l’émergence : la nymphe s’approche de la surface et l’adulte sort hors de l’eau.

Figure 5 : Chaoborus adulte, ici un mâle reconnaissable à ses antennes plumeuses.
Photo de James K. Lindsey voir : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Chaoborus.crystallinus.male.jpg

Le chaoborus adulte mesure de 1 à 12 mm et ressemble superficiellement à un moustique. La couleur du corps est grise à noire. Les ailes (une paire) transparentes, longues et étroites ne dépassent pas la pointe de l’abdomen. Il ne pique pas et est doté de pièces buccales réduites.
Ce stade adulte dit imago, dure généralement 10 jours et donne lieu à l’accouplement.

La larve de chaoborus : un prédateur

Figure 6 : Vue avant d’une larve de chaoborus

Les larves de Chaoborus sont prédatrices et se nourrissent de copépodes, de cladocères, de rotifères et de protozoaires unicellulaires comme les ciliés.
Elles se suspendent immobiles dans la colonne d’eau. En position de repos, les antennes pointent ventralement, les mandibules sont fermées et les éventails de soies sont repliés contre les mandibules.

La capture se déroule en quatre étapes :

  1. détection du mouvement de la proie par les soies et les yeux composés ;
  2. ouverture des mandibules, des antennes et des soies pour former un panier en 10,46 millièmes de seconde (ms) ;
  3. capture de la proie par une projection du panier suivi du repli sur le thorax où les éventails des mandibules empêchent sa fuite (en 12,4 ms) ;
  4. contraction des antennes et des soies pour amener la proie vers la bouche où elle est mastiquée et avalée, suivi du retour à la position de départ (en 270 ms).

L’ensemble des étapes n’a duré que 300 ms(millisecondes). Avec un mouvement de capture proche de 14 ms, les larves de Chaoborus intègrent le club des prédateurs les plus rapides du règne animal.

Figure 7 : Ensemble de daphnies, formant le zooplancton de la mare. Les daphnies sont des proies des larves de chaoborus

Les impressionnants organes de flottaisons de la larve de chaoborus : les vésicules hydrostatiques

Figure 8 : Vue à la loupe binoculaire de la partie antérieure de la larve de chaoborus. On voit distinctement les deux vésicules hydrostatiques ponctuées de points sombres

Figure 9 : Vue microscopique (X 100)  des deux vésicules hydrostatiques antérieures ponctuées de points sombres

Figure 10 : Vue microscopique (X 400)  de l’intérieur d’une vésicule hydrostatique.
On observe ici le lien entre les cellules colorées avec les éléments les plus fins du réseau trachéen.

Figure 11 : Vue microscopique (X 1600)  de l’intérieur d’une vésicule hydrostatique.
On distingue :
– une striation
– les points sombres vu auparavant sont de grandes cellules colorés avec un noyau plus clair : ce sont les cellules endothéliales.
-un réseau de trachées

Cette striation a pour origine une alternance de bandes rigide de cuticule et de bandes de résiline.
La résiline est une protéine avec des propriétés élastiques présentent chez de nombreux insectes. L’élasticité de la résiline est ici dépendante du pH.
En milieu acide, la résiline est contractée et en milieu basique, elle est relâchée.
La cuticule est l’exosquelette des arthropodes.

Figure 12 : Vue au microscope à immunofluorescence d’une vésicule hydrostatique.
En vert : la protéine membranaire VHA qui permet de modifier l’acidité, en bleu : les bandes de résiline et en magenta les noyaux cellulaire.

Figure 13 : Vue au microscope à immunofluorescence des bandes de résiline en bleu et des noyaux cellulaire en magenta.

En modifiant le pH, les cellules endothéliales (vu au microscope auparavant) contrôlent l’élasticité de la résiline. L’élasticité de la résiline contrôle la forme et donc le volume de la vésicule hydrostatique.

Ainsi, en pH acide, noté 1 sur le schéma :  les bandes de résiline sont fines : les vésicules hydrostatiques sont peu contractées – volume plus faible (-20%). La larve de chaoborus descend dans la colonne d’eau.
En pH basique, noté 2 sur le schéma : les bandes de résiline sont épaisse : les vésicules hydrostatiques sont contractées – volume plus fort (+20%). La larve de chaoborus monte dans la colonne d’eau.

Figure 14 : Schéma explicatif du changement de volume des vésicules hydrostatiques

En conclusion, les larves de chaoborus sont dignes d’intérêts, car on peut étudier facilement les organes de flottaisons avec du matériel simple : loupe binoculaire et microscope optique du fait de la transparence de ces larves.
Les larves de Chaoborus arrivent à contrôler avec précision leur profondeur dans l’eau en modifiant la forme et donc le volume de leur vésicules hydrostatiques par des processus biochimiques connus.
Il s’agit d’un des rares insectes qui peut alors exploités la niche écologique entre la surface de l’eau et le fond de la mare ou du lac : il a une importance capital dans la chaîne alimentaire puisque c’est un prédateur de zooplancton qui se fera lui même prédaté par de nombreuses espèces de poissons.

Publication : Novembre 2023
Auteur(s) : Pierre-Jean Riou, professeur de SVT

Crédits photos : Pierre-Jean Riou (sauf si indication contraire)
Contact : sciencesnature.fr@gmail.com

Bibliographie :

COROLLA Jean-Pierre, SOHIER Sandra in : DORIS, 21/08/2022 : Chaoborus sp. Lichtenstein, 1800, https://doris.ffessm.fr/ref/specie/3104 

« A pH-powered mechanochemical engine regulates the buoyancy of Chaoborus midge larvae »