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Comatules fossiles au Muséum de l’Ardèche

Les comatules fossiles sont assez rares et peu connues.
Cet article a pour vocation de vous faire découvrir ce groupe d’animaux marins, son mode de vie, son histoire et son évolution à partir de photos sous marine actuelles et de la demi douzaine de comatules fossiles que le Muséum de l’Ardèche préserve et présente au public.
Ces fossiles proviennent de 4 gisements mondialement connus : Solnhofen (Allemagne) Haquil (Liban), Ménerbe (Vaucluse) et La Voulte (Ardèche).

Les comatules appartiennent à l’embranchement des échinodermes qui regroupe cinq classes d’animaux : les oursins, étoiles de mer, concombre de mer, ophiures et crinoïdes.
Les comatules font parties de la classe des crinoïdes.

Peu connue car rarement visible en bord de mer, les crinoïdes sont une classe d’animaux très anciennes (premiers échinodermes connues) que l’on trouve dans les océans du monde entier.
Les premiers crinoïdes sont attestés à l’Ordovicien datés de 470 millions d’années.
Dans le registre fossile les premières comatules semblent être apparues entre la fin du Trias et le début du Jurassique entre 190 et 200 millions d’années.

 

Lys de mer et comatules, les deux grands types de crinoïdes :

Il existe deux formes de crinoïdes :
– les pédonculés = avec un pied, ce sont les lys de mer
– les non pédonculés, ce sont les comatules.

Figure 1  : Schéma de crinoïdes pédonculés et non pédonculés

Figure 2 : Observation dans les profondeurs océanique d’un lys de mer (blanc) et d’une comatule (rouge). Cette photo a été prise grâce à un sous-marin. L’Okeanos Explorer est un navire océanographique disposant d’un sous marin téléguidé explorant les abysses.

Biologie des comatules :

Les comatules et plus largement, tous les crinoïdes sont des suspensivores passifs, c’est-à-dire que, pour leur nourriture et leur respiration, ils ne produisent pas de courant d’eau par eux-mêmes. Ils se nourrissent de particules organiques en suspension, soit des particules détritiques, soit du plancton.

Au cours de leur développement, les larves de comatules vivent fixées au fond de la mer par une tige, mais celle-ci est rompue à la métamorphose de maturité et la crinoïde juvénile obtient la possibilité de nage libre.

Les comatules sont dites « vagiles », capables de marcher (ou parfois de nager) grâce à leurs bras articulés sur de courtes distances. Ces crinoïdes adultes ont des mœurs plutôt sédentaire (les larves peuvent se déplacer sur de plus grandes distances), cette adaptation leurs permet d’échapper à leurs prédateurs (oursins, étoiles de mer) ou de se déplacer à la recherche de meilleurs sites de nourrissage.

 

Figure 3 : Image d’une comatule sur le fond océanique.

Figure 4 : Comatule trouvée lors d’une marée en Bretagne, espèce : Antedon Bifida – taille : 5cm de diamètre.
Cette espèce est rencontré dès les premiers mètres jusqu’à des profondeurs
de 450 m, mais il est abondant principalement de 15 à 40 m.
Elle est exceptionnellement découverte en bas de l’estran lors des grandes marées.

Histoire évolutive des Comatules et principaux gisements fossilifère à comatules :

Les Échinodermes fossiles les plus fréquents sont les oursins et les restes de crinoïdes pédonculés constituant parfois de véritables calcaires à crinoïdes ou calcaires à entroques.
La diversité des crinoïdes est très abondante au Paléozoïque, la crise Permo-Trias entraîne la disparition de près de 98 % des espèces de Crinoïdes.
Malgré cette importante crise, au Mésozoïque les « survivants » continuent leur évolution, la diversité s’accentue avec l’apparition de d’une nouvelle forme de crinoïdes « les formes libres » : les comatules.
La crise KT entraîne une nouvelle réduction drastique des populations de crinoïdes.
Ainsi les comatules constituent la grande majorité des crinoïdes actuels.
On trouve encore aujourd’hui des crinoïdes arborant, forme classique de « lys de mer », notamment dans les grandes profondeurs. On compte à l’heure actuelle environ 650 espèces de crinoïdes (dont moins d’une centaine de pédonculés)

 

Dans le registre fossiles la découverte d’une comatule complète reste tout à fait exceptionnelle.
Au niveau mondial, les gisements les plus connus sont les sites Konservat Lagerstätten :
– dans le Tithonien (Jurassique supérieur) de Solnhofen en Allemagne
– dans le Cénomanien (Crétacé supérieur) de Haqil au Liban.
En France :
– dans le Callovien (Jurassique moyen) de La Voulte sur Rhône (Ardèche),
– dans le Kimméridgien (Jurassique supérieur) de Cerin (Ain) et de Saint-Clément des baleines (Ile de Ré, Charente Maritimes)
– dans le Burdigalien (Miocène) dans le bassin d’Apt (Vaucluse).

Comatules fossiles visibles au Muséum de l’Ardèche (Balazuc) :

Les espèces sont ici présentés dans un ordre chronologique : des plus anciens aux plus récents fossiles de comatules présents dans le Muséum de l’Ardèche.

-165 millions d’années – Jurassique Moyen – La Voulte / France 

Rhodanometra lorioli (Manni, Nicosia et Riou, 1985) Famille Pterocomidae, du callovien inférieur (Jurassique moyen 165 millions d’années) de La Voulte et Rompon (Ardèche). Cette espèce est assez grande, les deux spécimens suivant mesurent environ 25 cm de diamètre.

 

 

Figure 5 : Rhodanometra lorioli sur fond gris marneux – fossile de 25 cm de diamètre.

Figure 6 : Rhodanometra lorioli sur plaques sidéritiques rouges (coloration par de l’hématite) – fossile de 25 cm de diamètre.

Unique espèce présente dans le gisement du Jurassique moyen de La Voulte sur Rhône Cette espèce fossile demeure assez rare dans le gisement, les restes d’une vingtaine de spécimens sont connus. Le plus remarquable atteignant prêt de 30 cm de diamètre est présenté au public au Muséum de l’Ardèche.

Comme les autres individus de la famille des Pterocomidae, ces comatules libres devait être en principe capables de courtes natations mais vivant le plus souvent accrochées, au moyen de leurs bras armés de pinnules, à des supports divers, dont des algues (mode de vie vagile inféodé, c’est à dire aptes à de faibles déplacements en milieu restreint).

-145 millions d’années – Jurassique supérieur – Eichstätt/Solnhofen – Allemagne

 

Figure 7 : Saccocoma bajeri (KÖNIG, 1825) Famille des Saccocomidae, du Portlandien (Jurassique supérieur 145 millions d’années) de la région d’Eichstätt (Bavière, Allemagne)

 

Figure 8 : Une seconde espèce Saccocoma tenella (GOLDFUSS, 1831) est connue dans les mêmes couches fossilifère mais moins abondante.

 

Dans cette lagune portlandienne (150 à 145 Ma) vivait aussi deux autres types de comatules de plus grande taille et beaucoup plus rare Pterocoma pennata (GOLDFUSS) et Solanocrinites thiollieri (espèce la plus rare connue par un seul exemplaire).
Cette dernière est aussi présente dans le gisement daté du Kimméridgien de Cerin (Ain).
A signaler une autre espèce plus commune Solanocrinites beltremieuxi (DE LORIOL) connu dans le Kimméridgien inférieur de Saint-Clément des baleines, (Charente Maritime).

Pterocoma pennata pouvait atteindre 30 cm de diamètre comptant dix bras ramifiés pourvus chacun d’une centaine de cires disposés de part et d’autre de l’axe du bras donnant un peut l’aspect d’une plume d’où son nom de pennata. Il ne s’agissait pas de formes nageuses.
Cette crinoïde est voisine du genre actuel Antenodon cette espèce est aussi connu dans le gisement daté du Kimméridgien de Cerin (Ain) et dans le Crétacé ( Berriasien) de Canjuers (Var).

-95 millions d’années – Crétacé supérieur – Haquil- Liban

 

Figure 9 : Pterocoma pinnulata (Fraas, 1878) Famille Pterocomidae, du Cenomanien (environ 95 millions d’années) de Haqil (situé dans les montagnes à l’est de Byblos, Liban). Longueur de la comatule : environ 10 cm.

 

 

 

 

Une seule espèce est répertoriée dans trois gisements libanais (Haquil, Hgula et Sahel Alma).
Certaines plaques calcaires présentent plusieurs individus adultes il est donc fort probable que cette espèce de comatule vivait en colonies comme les Antédons actuels (voir figure 4) qui sont des formes planctoniques vivant en groupes.

 

 

– 20 millions d’années – Miocène – Ménerbe, Vaucluse – France

 

Figure 10 : Palaeocomaster sp.  Famille des Comatulidae du Burdigalien Miocène inférieur (environ 20 millions d’années) de Ménerbe (bassin d’Apt, Vaucluse). Diamètre comatule : environ 15 cm
A la droite de la comatule, on peut observer deux fossiles d’oursins dont l’un à sa lanterne d’Aristote (appareil masticateur) particulièrement bien préservée.

Surtout connu pour leur richesse en fossiles de coquilles st Jacques et d’oursins, les gisements de Ménerbes et de Lacoste ont fourni quelques exemplaires remarquables d’Etoiles de mer et de comatules.
Les dépôts sédimentaires étaient situés dans un bras de mer entre le Mont Ventoux et la Montagne de Lure au nord et le flanc nord du Petit Luberon au sud.
Les principales carrières étudiées sont celles des Baquis et Soubeyran, à l’ouest de Lacoste, et La Ménerbienne, au nord-est de Ménerbes.
Ces carrières sont situées sur le plateau de Lacoste dont l’altitude oscille entre 300 et 400 m, faisant aujourd’hui partie du « Parc naturel régional du Luberon ».

Cette rare comatule du genre Palaeocomaster est probablement proche du genre actuel Comaster caractérisé par des bras très nombreux chez les espèces actuelles (jusqu’à 180) et certaines pinnules orales portent de petits peignes (surtout sur les individus matures).

Publication : Juin 2021
Auteur(s) : Bernard Riou, paléontologue et co-fondateur du Muséum de l’Ardèche

Crédits photos :
Images sous marines : NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration).
Images Fossiles :  Bernard Riou pour Sciences-Nature.fr

Bibliographie :

Diversité animale Histoire, évolution et biologie des Métazoaires, D.Poinsot, M. Hervé, B. le Garrf, M. Ceillier
–Classification phylogénétique du vivant, tome 2, édition 4  Lecointre et Le Guyader
Les fossiles empreintes du vivant, Bernard Riou

– https://doris.ffessm.fr/Especes/Antedon-bifida-Comatule-commune-107